Parmi la collection de documents de swisstopo figurent de nombreux carnets de notes datant des années 1944–1949. Les annotations manuscrites qu’ils contiennent paraissent énigmatiques de prime abord.
Parmi la collection de documents de swisstopo figurent de nombreux carnets de notes datant des années 1944–1949. Les annotations manuscrites qu’ils contiennent paraissent énigmatiques de prime abord.
Des douzaines de cahiers, remplis d’étranges notes. Un « e » à l’envers et un « X » écrit en-dessous de la ligne apparaissent dans la plupart des mots. Ceci pour une bonne raison : les notes – toujours au nombre de trois par page de cahier – sont rédigées en écriture phonétique. Swisstopo possède en effet entre 1943 et 1952 son propre linguiste, Johann Hubschmid. Sa mission est d’aider à harmoniser d’un point de vue linguistique les désignations des lieux sur la carte nationale. Il parcourt le pays entre 1944 et 1949 et interroge la population locale : comment s’appelle ce ruisseau ? Quel est le nom de cette colline ? Et comment s’appelle le petit bois que l’on voit là-bas ? Il rapporte ensuite les réponses des instituteurs, paysans, restaurateurs et autres informateurs connaissant la région dans des carnets de notes qui sont conservés aujourd’hui encore dans la collection de documents de swisstopo.
L’originalité de la démarche de J. Hubschmid réside dans le fait qu’il ait recueilli les noms des lieux en langage phonétique et qu’il ait voulu consigner la prononciation du suisse alémanique de manière aussi précise que possible. En cela, il se conforme à des consignes très concrètes : depuis les années 1940, les noms des lieux-dits sur les cartes devaient suivre en priorité la forme parlée. Le patois suisse devait ainsi être mieux mis en valeur même sur les cartes. Jusqu’ici, les topographes et ingénieurs en mensuration avaient recueilli les formes écrites des noms et non la forme parlée. Ces formes écrites étaient généralement fortement influencées par le haut allemand écrit, ce qui, dans les années 1930 et 1940, à l’époque de la défense spirituelle du pays, était considéré comme antipatriotique. C’est pourquoi les cahiers de nomenclature témoignent également des discussions de politique linguistique très animées qui eurent lieu il y a près d’un siècle.